Pour que « l'Afrique nourrisse
les Africains », elle doit diversifier ses cultures, transformer les
produits localement et nouer des accords régionaux, a déclaré à l'AFP le
ministre ivoirien de l'agriculture, Kobenan Kouassi ADJOUMANI, venu à Paris au
Salon de l'Agriculture.
Dans le but de mieux élucider ses
propos sur-cités, le Ministre Kobenan Kouassi ADJOUMANI répond à une série de
questions :
Question : Comment la Côte d'Ivoire peut-elle
réduire sa dépendance aux importations alimentaires ?
Réponse : La crise en Ukraine n'a pas
fait que des dégâts : elle nous a donné des idées pour que nous puissions
nous-mêmes produire pour notre souveraineté alimentaire. Nous avons
rencontré des difficultés pour nous approvisionner en intrants de première
nécessité, en blé (acheminé notamment de Russie ou d'Ukraine, NDLR). Nous avons
donc décidé de dire qu'à la place, nous pouvions produire du manioc, dont la
farine sert à faire du pain.
Notre économie de base, c'est
notre agriculture : elle représente 22 % du PIB du pays. Nous
produisons du café, du cacao, de l'hévéa - qui sont des cultures de rente -
mais aujourd'hui, nous avons décidé de faire de la diversification agricole.
Nous sommes premiers producteurs de cacao, de noix de cajou, de noix de cola,
mais ce ne sont pas des produits que nous consommons, d'où notre politique pour
développer la production vivrière et maraîchère. Nous voulons nous concentrer
sur les productions locales : l'igname, le manioc, le maïs.
Avec notre programme de relance agricole, nous avons
commencé par restaurer les instruments de production décimés par les crises.
Mais on s'est dit qu'il fallait aller au-delà, et améliorer la conservation et
la transformation des aliments. Une grande partie de notre production n'arrive
pas sur le marché à cause des pertes post-récolte, faute de centres de stockage
et d'usines de transformation.
Q : Comment améliorer la transformation,
notamment pour le cacao ?
R : La Côte d'Ivoire représente
40 % de la production mondiale. Avec le Ghana (20 % de la
production), nous avons décidé de parler d'une seule voix : pour que les
producteurs soient mieux rémunérés, il faut transformer nos produits sur le
plan local.
Quand elle a lieu en Côte d'Ivoire, où huit millions
de personnes dépendent de la culture du cacao, la transformation en beurre ou
en poudre apporte une plus-value aux producteurs : ils sont rémunérés
25 000 à 30 000 francs CFA le kilogramme de cacao transformé (près de
40 euros), contre 900 francs CFA le kg brut (soit 1,30 euro).
Nous disons donc aux multinationales de venir investir
en Côte d'Ivoire, de construire des usines pour transformer les fèves en
chocolat, ce qui réduira aussi les coûts de transport vers l'Europe. Et si
elles payent les producteurs de manière régulière, les gens n'entameront pas
les forêts.
Q : Comment les pays d'Afrique travaillent-ils
ensemble pour assurer la production des denrées directement sur le
continent ?
R : L'Afrique doit nourrir l'Afrique, et pour
cela, il faut que des programmes soient établis. Certains pays rencontrent des
difficultés à produire, à cause des incidents climatiques ou du manque de
pluie. En Côte d'Ivoire, on peut produire davantage, et le surplus peut être
acheminé dans les pays limitrophes.
Nous avons décidé de travailler ensemble, et la Banque
africaine de développement a annoncé un financement de dix milliards de dollars
(fin janvier, pour que l'Afrique devienne son principal fournisseur de denrées
alimentaires, NDLR). En Côte d'Ivoire, ces fonds ne serviront pas à financer
des produits de rente, mais les cultures vivrières et maraîchères.
Source : AFP